Nous rendons ici hommage (au travers des affiches que nous avons conçues pendant plus de dix ans) à cet admirable festival qui propose des films aux thèmes des plus actuels : luttes sociales, monde du travail, droits des femmes, mondialisation…
Voilà qui en dit long sur l'engagement de la CCAS qui poursuit les mêmes objectifs que que ceux des créateurs du plus grand festival de cinéma du monde : donner à voir des cinéastes libres et des acteurs du monde du travail.
Car saviez-vous que le Festival de Cannes trouve ses origines dans des racines populaires, syndicales et politiques ?
"Enfant tardif du Front populaire, le premier Festival de Cannes aurait normalement dû avoir lieu en 1939. Ebauché par le gouvernement de Léon Blum pour faire suite aux succès du cinéma lors de l'Exposition Internationale de 1937, son but était aussi et (peut-être surtout) de concurrencer le Festival de Venise régenté par le pouvoir fasciste. En 1938 en effet, la délégation française à Venise n'apprécia guère de voir La grande illusion, le chef-d'oeuvre pacifiste de Jean Renoir -qui passait alors pour "le" cinéaste du Front populaire- être interdit de récompense suprême, après intervention personnelle de Mussolini. Le Festival de Venise préféra alors réserver une partie de ses honneurs à la cinéaste nazie Léni Riefenstahl. Le 1er septembre 1939 aurait ainsi pu être le jour anniversaire de la naissance du Festival de Cannes. La guerre en décida autrement. " (Tangui Perron- Cahiers de l'institut CGT d'histoire sociale).
Oui, l'Histoire en a voulu autrement. Mais elle n'a pas pu effacer la mémoire, à la Libération, de toutes celles et ceux qui se refusèrent à laisser, et malgré les priorités de reconstruction nationale qui s'imposaient et la réticence des Américains craignant pour leurs intérêts, le privilège d'honorer et de fêter le cinéma mondial à la Mostra de Venise. Et le choix de Cannes s'imposa à nouveau.
Le projet, conduit, soutenu, défendu par la CGT et le Parti communiste Français, fort de sa prise de position durant la guerre et de sa légitimité, remporta tous les suffrages. Les anecdotes et souvenirs ne manquent pas pour rappeler cette épopée, menée comme une vraie bataille : "En 1947, des ouvriers bénévoles, à l'instar des "équipes de choc" de Marseille, participèrent, après leur journée de travail, à la construction du Palais de la Croisette. Le premier adjoint de la ville, l'avocat communiste Lieuter, poussa même des brouettes et mania la truelle. Et ce furent des militantes qui cousirent le rideau (rouge) du Palais. Lors de l'ouverture du second festival (le Palais n'était pas encore terminé), ouvrières et ouvriers montèrent sur scène et furent salués par les festivaliers. A Paris, la Fédération nationale du spectacle CGT, quant à elle, fit partie dès 1946 du comité d'organisation du Festival (pour ne plus le quitter)".
Et c'est ainsi que le Festival vit le jour. Et la plus belle des récompenses, c'est le cinéma lui-même qui la lui apporta : le légendaire film La Bataille du rail de René Clément, produit par la Coopérative Générale du Cinéma Français (CGCF), obtint dès l'ouverture en 1946 le grand prix du festival, avant qu'il ne soit à nouveau décerné, en hommage aux milieux ouvriers et populaires de Paris, à Jacques Becker en 1947 pour son Antoine et Antoinette.
Depuis, le tapis rouge rappelle, sans doute mieux qu'ailleurs, l'influence qu'exercèrent toutes celles et tous ceux qui se battirent pour donner la juste place à un cinéma digne et chargé d'émotion, à jamais populaire. Universel.
Comprend-on mieux à présent pourquoi le festival Visions Sociales de la CCAS d'EDF se déroule depuis plus de vingt ans au même moment et à quelques encablures de Cannes ? Comme en un hommage inaltérable à la mémoire du Cinéma.